Dis, c’est quoi un Scrum Master ?

Suivons mon quotidien de Scrum Master pour découvrir ce rôle

Jean-Pierre Lambert
Jean-Pierre Lambert's blog

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Bonjour à tous.

Je me présente : Jean-Pierre Lambert, actuellement Scrum Master à la Direction du Numérique de France Télévisions.

On me demande parfois ce que c’est, un Scrum Master. A quoi ça sert. Pourquoi c’est bien d’en avoir un dans son équipe. Qu’est-ce que je fais de mes journées !

Qu’est-ce que c’est un Scrum Master ? Je ne sais pas forcément quoi répondre.

Le pire dans tout ça, c’est que je ne sais pas forcément quoi répondre. C’est assez paradoxal, je suis Scrum Master à temps plein, je suis même selon mon équipe plutôt un bon Scrum Master — pardon, un pas trop mauvais ! Restons humbles !

Et pourtant, peu de mots me viennent à la bouche pour décrire mon rôle.

Mon profil de Scrum Master

Il faut savoir que je suis Scrum Master autodidacte. Je ne suis pas certifié. Bien entendu, il y a eu ces personnes sur ma route qui m’ont délivré quantité de conseils incontournables. Malgré tout, j’ai appris essentiellement en lisant des articles et des livres.

Quand j’ai découvert l’Agilité, c’est devenu une évidence pour moi : c’est comme ça qu’il faut mener les projets logiciels.

Là où ça devient intéressant, c’est que ça a été comme une révélation pour moi. Je ne connaissais pas réellement l’Agilité avant de m’être ainsi plongé à corps perdu dans le sujet, et quand j’en suis revenu c’était une évidence pour moi : c’est comme ça qu’il faut mener les projets logiciels.

Précédemment à ma première expérience de Scrum Master et cette illumination vis-à-vis de l’Agilité, j’étais développeur. C’est une activité très plaisante mais ça n’a jamais été une passion pour moi. A l’inverse, je me suis découvert comme une vocation au travers du rôle de Scrum Master.

Je suis donc fier d’être Scrum Master et j’adore jouer ce rôle au sein de mon équipe. Malgré tout, cela ne me donne toujours pas les mots pour décrire à quoi cela sert, un Scrum Master !

A quoi ressemblent mes journées

Pour essayer de savoir ce que j’apporte à mon équipe, je vous propose de faire le tour de mes activités. Ce portrait-chinois aidera peut-être à définir mon rôle.

J’anime des réunions, un paquet

Le Scrum Master, c’est un facilitateur de réunions. Voilà un bon début pour expliquer ce rôle !

Ça n’a sûrement l’air de rien comme ça mais c’est qu’une équipe, ça part facilement dans tous les sens pendant les réunions. Et quand ça arrive, personne n’est content parce que la réunion n’est pas des plus productives. Après, on me sort en Rétro’ “y’a trop de réunions” alors que bon, c’est quand même eux qui passent les réunions à digresser et à parler de n’importe quoi — passons !

La clé de la facilitation c’est d’être neutre. Ce qui est forcément beaucoup plus difficile pour tous les autres membres de l’équipe !

Si vous pensez que c’est facile, je vous arrête tout de suite : c’est tout un art ! Heureusement, cela s’apprend. Mais surtout, et c’est là la grande valeur ajoutée du Scrum Master, la clé de la facilitation c’est d’être neutre. Ce qui est forcément beaucoup plus difficile pour tous les autres membres de l’équipe ! J’ai moi-même du mal à rester neutre, notamment de par mon passé d’ingénieur logiciel et de développeur, et de par mon appétence pour les sujets techniques.

Atelier Extreme Quotation, pour macro-chiffrer une trentaine de User Stories en moins d’une heure

Il y a également divers formats d’ateliers qu’on peut utiliser pour aider à cadrer les réunions et à en sortir du concret et de l’efficace. Ou encore pour aider l’équipe à prendre des décisions.

Un petit exercice pour démarrer la Rétro’ sur de bonnes bases !

Je met un point d’honneur à essayer de varier le format de la Rétrospective, rituel clé de Scrum. Essayer de réserver des salles de réunion improbables ou sortir hors des bureaux, alterner entre de nombreux formats et ateliers, introduire des ice-breakers délirants, venir déguisé… Tout est sujet à variation.

Rétrospective sur le thème de Roland Garros, effort du Scrum Master sur la tenue

Il y a aussi les moments désagréables où tout le monde est le nez dans son ordinateur, très concentré, mais c’est pourtant l’heure d’une réunion importante. Ça me fend le cœur de briser la productivité de l’équipe comme ça, mais la réunion est importante, et nous devons discuter du sujet. Alors du coup je fais office de super agenda Outlook. Au passage, si vous avez un truc pour réussir à caser les réunions à un moment qui ne dérangera personne, je suis preneur ! D’ici là, je m’assure que les sujets importants soient adressés.

Dernier point distinctif entre moi, Scrum Master, et le reste de l’équipe pendant les réunions : je suis quasiment en permanence debout pendant les réunions. Un truc de facilitateur, ça aussi.

Je m’assure que l’équipe garde en tête l’objectif de l’itération

En stand-up, je n’effectue pas un suivi détaillé de toutes les tâches. Par contre, et notamment lorsque la fin de l’itération s’approche, je demande à l’équipe si elle “pense y arriver”, si on va réussir à tout sortir ou s’il faut se poser des questions sur l’itération courante.

Le task board permet de voir en un clin d’œil ce qui peut déraper dans l’itération.

La magie du task board fait que je vois en un clin d’œil ce qui ne va pas, ou du moins ce qui peut déraper. Par exemple une Story est presque terminée, il ne reste plus qu’à faire la review entre développeurs ? Alors pourquoi travaillent-ils sur d’autres Stories plutôt que de terminer celle-ci ?

Deux task boards se partagent ce tableau blanc

Quand un sujet important nécessite d’être suivi, je m’assure qu’il est bien pris en compte. Je fais le tour de l’équipe si nécessaire. J’observe sur quoi travaille chacun, sont-ils concentrés… Puis, dès que je vois un membre de l’équipe qui n’est plus concentré, qui est déjà interrompu ou qui prend une petite pause, hop je fonce ! J’essaie tant bien que mal de ne pas interrompre l’équipe, ou du moins de réduire l’impact de mes interruptions.

Je prends la main sur les sujets qui gonflent tout le monde

Mon rôle n’est pas forcément d’assurer le support de nos clients. C’est souvent le Product Owner qui s’en charge. Cependant, parfois, ce n’est pas juste une question de support… Il est question de sujets très usants, qui prennent énormément de temps en réponse de mail ou autres échanges téléphoniques peu productifs. Dans ces cas-là, bien que cela ne m’amuse pas plus que le Product Owner ni le reste de l’équipe, je prend la main. Parce que mon temps est fait pour être gâché, contrairement au leur.

Parce que mon temps est fait pour être gâché, contrairement à celui du reste de l’équipe.

Ainsi une fois, j’ai passé tout l’après-midi à faire le tour du bâtiment pour essayer de collecter de l’information sur un partenariat obscur, dont tout le monde dans l’entreprise semblait se désolidariser. C’est bien, ça m’a fait rencontrer de nouvelles personnes, mais c’était aussi et surtout un jeu de piste improductif. Je suis heureux d’avoir évité ce calvaire à mon équipe.

Petit rappel pour cadrer nos relations avec nos partenaires

Je m’occupe des sujets de fond en dehors de l’équipe

Il y a aussi ces sujets de fond en dehors de l’équipe sur lesquels il faut avancer mais qui nécessitent une attention que l’équipe ne peut pas fournir, car elle se focalise déjà au quotidien sur ses itérations.

L’équipe qui se focalise déjà au quotidien sur ses itérations, ne peut pas faire avancer les sujets de fond.

Par exemple la gestion des appareils de test mobile. Quel est le process pour gérer ces appareils ? Comment est géré le parc des appareils, qui décide d’en acheter des nouveaux, quand ? Ces questions ont besoin d’être adressées, et impactent directement l’équipe. Cependant le sujet ne peut pas avancer rapidement, car il est question de budget, et de mise en place de process entre équipes voire entre directions…

Je me charge donc de monter les points nécessaires, et d’en assurer le suivi. Sans cela, je pense que ces sujets n’avanceraient tout simplement pas.

Je crée du tissu social

Je passe énormément de temps à me “balader” dans le bâtiment et à discuter avec beaucoup de personnes en dehors de l’équipe. Cela ressemble certainement à de la procrastination — mon Product Owner m’a déjà dit avoir l’impression que parfois je disparaissais purement et simplement, se demandant où je me cachais — mais cela me permet de créer des liens avec les autres équipes, avec nos partenaires, avec nos responsables, avec nos fonctions support… Et de glaner des informations. Un max d’infos.

Je passe beaucoup de temps à discuter avec des personnes en dehors de l’équipe, ça me permet de glaner un max d’infos.

L’air de rien, cela me permet aussi d’avoir des tuyaux pour résoudre des situations difficiles. Besoin d’un câble HDMI vers DisplayPort ? Oui oui je sais où trouver ça, sans passer par l’IT qui mettra au bas mots deux mois pour t’en fournir un… Notre salle de réunion nous a été soufflée ? Pas de soucis, je sais à qui parler pour en trouver une autre, quitte à nous ouvrir la porte d’une salle inutilisée…

Et puis c’est cool de parler avec plein de personnes et de les aider, en passant, juste comme ça, pour le plaisir.

Je suis persuadé que nos relations avec nos partenaires sont compliquées parce que nous sommes éloignés. Il est donc important de s’appeler et de se voir physiquement.

Dans la même veine, j’essaie également d’appeler régulièrement nos partenaires qui ne sont pas dans le même bâtiment que nous, persuadé que nos relations sont compliquées d’abord parce que nous sommes éloignés. Il est donc important de régulièrement s’appeler et se voir physiquement pour construire une relation saine et où nous allons dans le même sens.

J’entretiens notre open-space et notre management visuel

Une de mes activités récurrentes est d’entretenir notre open-space. Je ne parle pas là de faire le ménage, bien que je prenne souvent la peine de nettoyer moi-même un bureau avant d’accueillir un nouvel arrivant dans l’équipe. Je parle plutôt de tout ce qui est management visuel.

Je passe régulièrement du temps à mettre à jour nos affichages de management visuel.

Des post-its au murs, il y en a partout par chez nous. C’est super cool le management visuel. Par contre comme souvent, ça devient moins cool quand ce n’est pas tenu à jour. Donc régulièrement je passe un peu de temps à bien vérifier que tout est à jour, et à faire un peu de nettoyage de post-it au passage.

Un mur en cours de remplissage

On expérimente aussi en permanence de nouvelles choses. Alors on déplace des boards d’un mur à un autre, on en range certains pour faire de la place, on essaie de nouveaux affichages…

Je crée des supports visuels, par exemple pour matérialiser les process de l’équipe.

Et il n’y a pas que des post-its. Je passe également beaucoup de temps à créer des supports visuels, par exemple pour matérialiser les process de l’équipe. On peut parler de facilitation graphique.

Notre process de gestion des bugs

Du coup, je suis l’utilisateur principal de l’imprimante et de loin en termes de volume d’impression. Ce qui n’est pas une mince affaire, car ici c’est un petit parcours du combattant pour réussir à utiliser l’imprimante.

J’aide et je forme le Product Owner

Je dis bien “j’aide” et non pas “j’assiste” ; je ne suis pas un second Product Owner et c’est important pour la bonne tenue de mon rôle de Scrum Master.

Par contre j’aide le Product Owner à construire des bonnes User Stories (le fameux INVEST), à utiliser au mieux le management visuel, à mettre en place les boards nécessaires, à interagir avec l’équipe (on revient sur le travail de facilitateur pendant les réunions).

J’aide le Product Owner à tenir ce rôle auquel il n’a souvent pas été formé.

Finalement, en deux mots, j’aide le Product Owner à tenir ce rôle essentiel de Scrum, pour lequel il n’a souvent pas été formé.

Je commande le matériel et les fournitures

Dernier point important, je me charge de passer les commandes de matériel et de fournitures. L’air de rien, cela représente :

  • Faire quelques recherches pour trouver les bonnes références
  • Rédiger le mail de demande, l’envoyer à la bonne personne tout en s’assurant que la demande est validée par notre sponsor
  • Faire le suivi de la commande et relancer si nécessaire — autant de fois que nécessaire
  • Réceptionner et aller chercher la commande

Parfois, il y a aussi la négociation quand l’équipe a besoin d’un tableau velleda et que pour économiser 100€ sur le budget on nous propose de réutiliser des vieux tableaux en piteux état. Alors quand on tombe sur un tableau “abandonné” plus grand, on négocie un upgrade !

L’équipe manquait de fournitures, pour la bonne et simple raison qu’elle ne passait pas de commande.

Toutes ces basses besognes ne sont pas anodines. Avant mon arrivée dans l’équipe, l’équipe manquait de fournitures, pour la bonne et simple raison qu’elle ne passait pas de commande.

Et l’état d’esprit alors ?

Tous ces éléments peuvent se résumer en deux points :

  1. Le servant leadership : je suis au service de l’équipe et non l’inverse. C’est bien l’équipe qui produit, pas moi !
  2. Être garant de l’Agilité et s’assurer que l’équipe gagne en Agilité : en créant un environnement propice, en formant l’équipe si nécessaire, en les challengeant sur leur pratiques, en suggérant des améliorations.

Je suis au service de l’équipe et non l’inverse. C’est bien l’équipe qui produit, pas moi !

Alors, finalement, c’est quoi un Scrum Master ? Qu’en retenez- vous ?

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Software engineer with special interest in quality and business value, now a technical/Agile coach helping teams to deliver high-value, high-quality products.